NB: suite à l’envoi de ce courrier nous avons rencontré le cabinet de la Ministre, et l’avons mis au courant de notre volonté de soutenir les initiatives en faveur de jardins et potagers, et de nous opposer à la destruction de la nature à Bruxelles. Depuis, la Ministre a délivré ou s’apprête à délivrer plusieurs permis d’environnement pour détruire la nature bruxelloise qui porte des initiatives citoyennes précieuses. (mégaprison de Haren, plateau Avijl, Chant des Cailles, etc.). Le travail continue, la nature se défend, et ça va pas être triste!
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Tuiniers Forum des Jardiniers
Contacts :
Bibiane Bolle (zone verte Boendael-Ernotte-Akarova)
Tél. : 0493/68 44 93
Kobe Matthys (Zenne Garden)
Tél.: 0485/65 83 84
Madame la Ministre bruxelloise de la qualité de vie et de l’environnement
Céline Frémault
Rue Capitaine Crespel, 35
1050 Bruxelles
Tél. : +32 (0)2 508 79 11
Bruxelles, le 20 décembre 2016
Objet : demande d’audience – menace sur les espaces verts bruxellois
Madame la Ministre bruxelloise de la qualité de vie et de l’environnement,
De nombreux maraîchers et potagistes urbains de la Région ont été particulièrement heureux de découvrir la stratégie “Good Food” qui vise à promouvoir une alimentation plus fraîche, saine et durable auprès des Bruxellois. Un des objectifs principaux que vous avez annoncé le 8 décembre 2015 est d’arriver dans 20 ans à produire localement environ 35 % de la nourriture consommée par les Bruxellois. Sachant qu’à l’heure actuelle, la consommation locale se chiffre à seulement 1 %, cet objectif semble à première vue très ambitieux. Pourtant, si l’on tient compte des crises actuelles, tels le réchauffement climatique, l’épuisement des réserves d’énergies fossiles, l’effondrement de la biodiversité, les pollutions environnementales, etc. cette transition apparaît comme une véritable nécessité.
Les plans d’aménagement du sol de la Région de Bruxelles Capitale ne réservent aujourd’hui qu’une superficie de 1,5 % à l’agriculture, aux cultures potagères et aux espaces verts. À première vue, aucun changement ne se profile à l’horizon. La politique de développement urbain est-elle compatible avec les objectifs de la stratégie « Good Food » en ce qui concerne l’alimentation locale ? Si, dans 20 ans, environ 35 % de la nourriture bruxelloise doit être produite localement, le plan d’aménagement devra immanquablement prévoir plus de terres pour l’agriculture, le maraîchage et les espaces verts.
Or, en contradiction flagrante avec cette stratégie, de plus en plus d’espaces verts sont en train de disparaître à Bruxelles. Ces dernières années, Bruxelles a déjà perdu de nombreux sites : Union, une grande partie de Boondael, Van Volxem, le potager des Tanneurs, une portion du plateau Engeland, le site de la Plaine, pour ne citer que ceux-ci. Des demandes d’autorisation menacent de condamner toute une série d’espaces verts et d’initiatives agricoles et potagères de la Région: Boondael-Ernotte et une partie du Jardin Collectif Gray (Ixelles), « Solvay sports » (Bruxelles), la friche Eggevoort (Bruxelles), l’Hippodrome à Uccle, le Donderberg (Neder-Over-Heembeek), Josaphat-Latinis (Schaerbeek), la Ferme du champ des Cailles (Watermael-Boitsfort), Koekeliek (Koekelberg), le Plateau Avijl (Uccle), Tenreuken/Van Horenbeek (Watermael-Boitsfort), le Keelbeek et l’ensemble des terres maraîchères à Bruxelles-Haren, etc. Plus de 50 hectares d’espaces verts risquent de disparaître dans un futur proche. Sans parler des espaces qui ne sont pas immédiatement menacés, mais dont le statut reste précaire : Chou-Man, Jardin Navez, Jardin Versant, Jardin Senne, etc. Nombreux sont les espaces verts qui ne bénéficient d’aucune protection spécifique dans le cadre du plan régional parce qu’ils ne sont pas enregistrés dans le plan d’aménagement du sol. Et même si certains espaces bénéficient d’une protection en tant qu’espace vert dans le plan, ils n’ont ni la garantie qu’y jardiner y soit possible, ni la certitude de ne pas voir leur protection disparaître à l’avenir. La situation actuelle est inquiétante pour de nombreux espaces verts de Bruxelles. C’est pourquoi nous tirons la sonnette d’alarme !
Comment la transition annoncée par la stratégie « Good Food » pourra-t-elle aller de pair avec la disparition de tous ces projets potagers et espaces verts à Bruxelles ? Bon nombre de ceux-ci devraient aujourd’hui s’effacer devant la construction de crèches, prisons, écoles, logements (sociaux ou non). Nous nous entendons souvent dire que ces autres usages sont plus importants. Il est évident que nous souscrivons à l’accès aux équipements publics pour tous, lorsque leur utilité est établie et reconnue, notamment par les citoyens. Ceci dit, il est également notoire qu’à l’heure actuelle, plus de 1.000.000 m2 d’espaces bâtis sont inoccupés à Bruxelles, qu’il s’agisse de bureaux, d’espaces commerciaux, d’habitations, sans compter les friches industrielles et autres espaces abandonnés. Il y a là un gaspillage incroyable et un usage inégal de l’espace construit ! Prétendre que le peu d’espace vert restant doit faire place à d’autres usages est dès lors un argument fallacieux. Les espaces inoccupés de bâtiments offrent aujourd’hui suffisamment de possibilités pour y localiser les équipements les plus nécessaires. Ce ne sont pas les défenseurs du droit au logement qui nous contrediront.
Des initiatives telles que des jardins sur les toits, l’aquaponie, les jardins verticaux, etc. ne permettent pas d’offrir de véritables solutions au défi que vous avez lancé. La terre représente davantage qu’une surface en mètres carrés. Elle fait partie intégrante de la complexité de l’écosystème de notre planète. Les différentes couches du sol sont le domicile d’un nombre incalculable de micro-organismes vivants, qui appartiennent aux formes les plus anciennes de vie sur Terre. Ces micro-organismes rendent le sol fertile, toutes les autres formes de vie en dépendent. Détruire un sol fertile revient dès lors à détruire une ressource non renouvelable et un patrimoine commun, vital. A l’heure de la crise sociale et écologique à laquelle nous sommes confrontés, nous ne pouvons plus accepter la destruction de ce patrimoine si précieux.
Il est important pour nous que la transition vers un système réellement durable, qui nécessite davantage de terres pour les productions agricoles, les espaces verts et le maintien de la nature en Ville, se fasse en concertation étroite avec tous les acteurs concernés et selon les principes de l’agroécologie et de la permaculture: paysans, cultivateurs et producteurs, citoyens, chercheurs, acteurs de la santé, de l’alimentation, de l’emploi, de l’inclusion sociale, du logement et de l’urbanisme, etc.
Le “Tuiniers Forum des Jardiniers”, fédère une cinquantaine de potagers et jardiniers solidaires et défenseurs des derniers espaces verts de la Région bruxelloise, qui s’associent pour lutter contre la disparition des jardins et espaces verts de Bruxelles. Pour ce faire nous demandons :
- l’arrêt intégral de la bétonisation de l’ensemble des jardins, potagers, terres agricoles et espaces verts de la Région de Bruxelles-Capitale ;
- d’organiser l’extension des espaces verts dans le territoire bruxellois, et l’adaptation conséquente des plans d’aménagement du sol ;
- de donner la priorité à la rénovation et à la reconversion des bâtiments vides et des friches industrielles pour créer des logements (surtout sociaux), crèches, écoles, et équipements publics nécessaires ;
- aux pouvoirs publics de prendre en compte les mesures nécessaires en matière de durabilité prévues dans la stratégie « Good Food ». Sans cela, cette initiative restera lettre morte.
Un mandat politique est temporaire mais les citoyens de Bruxelles veulent sortir de la dynamique de vision à court terme. Nous désirons et nous avons besoin d’une ville durable et résiliente, et nous serons toujours présents pour agir en ce sens.
Les engagements pris aujourd’hui tels qu’ils ont été présentés dans la stratégie « Good Food » doivent être respectés, et nous voulons nous assurer qu’ils le seront.
Le monde entier sait que les « Brussels sprouts » ou choux de Bruxelles sont originaires de Bruxelles. Mais ces choux poussent-ils encore vraiment dans notre ville aujourd’hui ? Si la Région bruxelloise veut de nouveau voir dans 20 ans des choux de Bruxelles pousser sur son territoire, c’est aujourd’hui que le monde politique doit agir.
Nous vous invitons dès lors à rencontrer notre forum lors de l’édition 2017 de la journée internationale des luttes paysannes, le 17 avril.
Préalablement, nous vous demandons également de bien vouloir recevoir une délégation de notre forum. Nous souhaitons entamer un dialogue constructif avec vous et vous faire part de notre expérience, de nos analyses de terrain et de nos propositions. Pourriez-vous nous indiquer à quelle date vous pourriez nous rencontrer?
Vous remerciant de votre attention et dans l’attente de vous lire, nous vous prions Madame la Ministre bruxelloise de la qualité de vie et de l’environnement, d’agréer l’expression de nos salutations les plus distinguées.
Pour le Tuiniers Forum des Jardiniers :
- Jardin collectif Gray
- Plateau Avijl
- Comité de quartier Solvertsport
- SolidHaren
- Collectif du Kauwberg
- Potager collectif du Pré aux Oies à Haren
- Les Ami.e.s du Champ des Cailles
- La Ferme du Chant des Cailles
- Zenne garden
- Comité de Haren
- Groupe de défense de la zone verte Boendael-Ernotte-Akarova
- Le collectif Plan B des jardins Navez Possible(s)
- EVA Brussel
- Friche Eggevoort
- Koekeliek
- Le Réseau Colibris Bruxelles – Mouvement pour la Terre et l’Humanisme
- Collectif PUM !
- L’équipe de recherche « Ecologies de Bruxelles » – Université Saint-Louis et ULB
- Le Centre d’écologie urbaine
- Cycle Farm, la ferme urbaine de Bruxelles Sud
- Comité Tervueren-Montgomery
- Comité de quartier « Oppem &co »
- Comité Sauver la Plaine
- Potager Collectif Hompot – Uccle
- FruityHaren, jardin collectif en permaculture – Bruxelles-Haren
- Jardin collectif « Le Talus » – Schaerbeek
- Coda (Comité de défense de l’altitude 100)
- Bruxelles Nature
- Le Réseau des Jardins semenciers, Bruxelles
Le Tuiniers Forum des Jardiniers fédère une cinquantaine de potagers et jardiniers solidaires et défenseurs des derniers espaces verts de la Région bruxelloise. Cette plateforme, créée le 17 avril 2016, lors de la « Journée internationale des luttes paysannes », a pour objectif d’empêcher la poursuite de la destruction des derniers espaces verts bruxellois, et de contribuer activement à faire de Bruxelles une région résiliente.