Le rapport à la nature des sociétés productivistes est profondément déréglé. Nous sommes en train de détruire la planète qui nous fait vivre. Si nous la détruisons, elle nous survivra. L’inverse n’est pas vrai. Nous ne pouvons plus espérer poursuivre notre mode de développement actuel sans en subir brutalement les conséquences qui sont d’ores-et-déjà palpables. Nous sentons et nous savons aussi que les modes de vies qui menacent l’équilibre de la biosphère ne sont ni souhaitables ni heureux : la destruction de la planète Terre accompagne celle de l’humain. En réalité, l’humain n’est pas séparable de la nature, car il en est un élément. Croire que le développement de l’humanité peut se jouer contre les équilibres naturels est une erreur.
Au-delà de ce constat de destruction et de la nécessité d’y résister, nous sentons également autre chose, de plus viscéral et fondamental : la nature qui se défend. D’autres forces, d’autres êtres agissent. Les éléments, les espèces, du rocher au nuage, du cyclone à l’abeille, du brin d’herbe à l’arbre, tous s’expriment et se manifestent. Nous sommes entièrement inclus dans l’enchevêtrement de ces êtres et de ces forces qui composent la planète Terre vivante.
Nous sentons la nature qui se défend grâce au lien puissant et vital qui lie toujours ce qu’il y a de plus fondamental en chacun de nous aux éléments, aux plantes, aux animaux, à tous les êtres pendant le temps très court de notre passage sur Terre. Quoi qu’il soit affaibli par des siècles de séparations créés par nos sociétés hors-sol, ce lien indéfectible vibre. Nous le sentons, nous apprenons à le sentir mieux, et le voyons aussi partout où la nature se défend, à travers nous. C’est ce lien essentiel, qui lie et relie, qui fonde cet appel.
Les villes, qui abritent plus de 53% de la population mondiale, sont au cœur du problème de nos sociétés.
Elles sont en effet les centres décisionnels qui orientent les politiques publiques productivistes et elles concentrent les flux de matière et d’énergie entrant et sortant du processus économique.
Bruxelles, capitale de l’Europe et centre décisionnel mondial, souffre des symptômes de cette problématique. Elle pourrait aussi être exemplaire des solutions qu’il est vital de mettre en œuvre, car les villes sont aussi les creusets de nombreuses transformations sociales. Plusieurs avancées ont ainsi été décidées ces dernières années, comme une meilleure gestion du cycle hydrologique bruxellois ; le développement de filières de réemploi, réutilisation, recyclage et récupération ; l’amélioration des normes de matière de construction et d’efficacité énergétique; le développement, modeste, de l’infrastructure cyclable.
Malgré ces quelques progrès, il est clair que le bilan est négatif. Ils ne permettent pas de compenser les dommages écologiques nombreux dont les classes dirigeantes se rendent responsables. Le lourd tribut est déjà payé par tous, notamment en termes de santé. L’addition totale s’annonce démesurée pour ceux qui nous suivent. Nous savons que les dirigeants ne sont actuellement pas en mesure de prendre les décisions qui pourraient limiter les impacts de cet effondrement. Nous sentons donc la nature se défendre, avec toujours plus de vigueur.
C’est dans ce contexte global que le Tuiniersforum des Jardiniers œuvre à la recherche de solutions locales et concrètes avec des collectifs citoyens préoccupés par l’état de la planète qu’ils voient détruite sous leurs yeux.
Partout à Bruxelles les dernières terres vivantes sont bétonnées ou menacées de destruction.
Le manque devient criant. Dans certaines communes et quartiers densément peuplés comme Saint-Josse, Cureghem ou le bas Molenbeek, la minéralisation presque complète de l’environnement provoque des îlots de chaleur ou des inondations, réduit significativement le bien-être et le confort de vie, et devient pathogène. Les enfants grandissent dans le béton et dans la rue, les quelques plaines de jeux sont surpeuplées et trop souvent artificialisées. Il est nécessaire de recréer là de nouveaux espaces naturels plutôt que de permettre des opérations de constructions spéculatives.
Ailleurs, il est nécessaire de préserver intégralement les espaces naturels.
Il nous semble clair que les capacités de résilience dont la Région a un besoin vital pour s’adapter aux conséquences du bouleversement climatique et de l’effondrement de la biodiversité ne peuvent pas être imaginées si les derniers espaces naturels de la Région sont progressivement et méthodiquement détruits, ce que nous observons actuellement. La résilience porte l’idée d’actions, de décisions et d’engagements qui doivent permettre aux communautés humaines de maintenir les biens communs en temps de crises.
Préserver les derniers espaces naturels et terres vivantes de la Région est un objectif nécessaire. C’est pourquoi le tuiniersforum des jardiniers demande au Gouvernement bruxellois de mettre en place une politique « stop béton ». La Région de Bruxelles-Capitale doit enrayer la destruction des sols, rapidement, et cela pour quatre raisons :
- Pour protéger la complexité éco-systémique : l’eau, l’air, la faune et la flore ont besoin de l’ensemble des dernières terres bruxelloises pour garder leurs propriétés. Les sols en pleine terre sont en eux-mêmes une ressource non-renouvelable extrêmement précieuse, à protéger.
- Pour protéger la santé et le bien être des Bruxellois-e-s : de nombreuses études scientifiques prouvent que les espaces naturels et leur accessibilité sont un facteur essentiel du maintien de la bonne santé physique et psychique des personnes, comme de leur bien-être. Chacun peut le sentir.
- Pour créer des capacités de résilience à Bruxelles : nos modes de vies cassent les équilibres de la Terre. En retour, nous subissons et subirons davantage de perturbations de tous ordres qui affecteront nos capacités à bien vivre. Nous devons adapter nos modes de vie, et conserver les sols naturels à partir desquels la nature se régule, et qui sont en eux-mêmes des solutions au problème.
- Pour atteindre les objectifs fixés en termes de production agro-écologique. Même avec l’appui de son hinterland sous administration flamande, la RBC ne dispose actuellement qu’avec peine de la surface suffisante pour réaliser ces objectifs. Selon nous, passer à 100% de terres cultivables protégées est la seule politique capable de se donner les moyens des objectifs énoncés dans la stratégie « good food ».
Les scientifiques, les écologistes, de très nombreux citoyens ont déjà tiré la sonnette d’alarme sur la destruction des sols. En réponse, les politiciens et les promoteurs immobiliers prétendent que le foncier est une réserve à mobiliser pour développer la ville productive qui croît. Mais peut-on espérer créer de la richesse sur un désert ?
Nous demandons le gel la destruction des sols bruxellois tant que la clarté n’est pas faite sur la manière dont le foncier régional déjà artificialisé et non utilisé peut être utilisé.
Pratiquement nous demandons :
- de geler toute nouvelle demande de permis d’urbanisme ou d’environnement consommateur de sols non détruits au lendemain des élections régionales de 2019 ;
- la création de compensations en espaces naturels de surfaces équivalentes pour tous les permis pas encore exécutés au lendemain des élections régionales de 2019, au moyen de nouvelles charges d’urbanisme ;
- de déterminer de manière précise les exceptions à fixer pour la construction à fin de création exclusive d’équipements publics et de logements sociaux, et les nécessaires compensations en espaces naturels pour ces projets ;
- la création d’une protection juridique solide contre les changements d’affectation urbanistique pour tous les sols non détruits en région ;
- la mise en place d’un « cadastre des sols vivants » : organe de recensement, de suivi, et de contrôle de tous les sols vivants de la région. Il aura notamment pour mission de cadastrer ces espaces et de s’assurer de leur protection effective.
Cette décision aura aussi l’avantage de réorienter la politique immobilière vers le secteur de la réhabilitation du bâti existant. De nombreux bâtiments sont vides – bureaux, logements, bâtiments industriels, parkings, etc. – et les projets manquent pour les réinvestir, faute de soutiens. Protéger les sols vivants constituerait un signal positif en faveur d’une politique régionale du logement qui doit, selon nous, se concevoir dans le cadre du foncier déjà artificialisé, à l’aide d’outils d’encadrement du marché locatif et de limitation forte de la spéculation immobilière qui ne sert pas les bruxellois. Entre la nature en ville et le droit au logement, il n’y a pas d’opposition, au contraire.
Quand la clarté aura été faite sur la manière dont le foncier régional déjà artificialisé et non utilisé peut être utilisé, viendra le temps d’une consultation régionale conséquente, pour que les bruxellois puissent décider de sauver ou de détruire les sols vivants de leur ville.
Bravo et merci de vos actions.Il est urgent d’agir dans ce sens.
Merci! Oui l’union fait la force 🙂 Tenons-nous au courant, et bienvenue si vous voulez vous joindre à nos travaux.
Bravo et courage !!
Merci! Et bienvenue si vous voulez vous joindre aux travaux 🙂