Enquête publique sur le projet de Réglement Régional d’Urbanisme (RRU): la proposition de lettre de réclamation du Tuiniersforum des jardiniers

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De quoi s’agit-il ?

Dans le cadre de l’enquête publique sur le projet de Réglement Régional d’Urbanisme, chaque citoyen peut envoyer une lettre de réclamation à l’administration qui gère cette enquête. Dans le cas où vous voudriez y participer, nous avons concocté une lettre-type, que vous pouvez reprendre, adapter à votre guise, pour exprimer votre opinion. Comme vous le lirez, nous pensons que ce projet est mauvais, très mauvais.

* Comment faire en pratique ?

A envoyer avant ce vendredi 20 janvier à l’adresse suivante : rru-gsv@urban.brussels

Ou par courrier postal, adressé à Urban, Direction des Affaires juridiques, Département Conseil et Recours à Mont des Arts 10-13, 1000 Bruxelles.

N’oubliez pas de signer et dater le document (en toute fin de texte)

* Le document peut être téléchargé en trois formats différents:
C’est bien le même document, seul le format change:
– Version odt:
https://drive.google.com/file/d/1l4DSqoCmPBwm1JQy9-DBRhg-XWJL2B9Q/view?usp=share_link
– Version docx:
https://drive.google.com/file/d/1l4DSqoCmPBwm1JQy9-DBRhg-XWJL2B9Q/view?usp=share_link
– Autre format:
https://docs.google.com/document/d/1-d12awwfvp6euM37IBXq6w8AfBnlDMR7wb0_Ko7Qyd0/edit?usp=sharing

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Compléter:

Nom prénom
Adresse
Courriel

Urban,
Direction des Affaires juridiques,
Département Conseil et Recours,
Mont des Arts 10-13,
1000 Bruxelles

Bruxelles, le 20 janvier 2023


Concerne : RRU – Enquête publique – Lettre de réclamation dans le cadre de l’enquête publique relative au projet de nouveau RRU

L’urbanisme écologique proposé est cosmétique.
L’écologie urbaine dont nous avons besoin est cosmologique.

Le RRU actuel date de 2006 (adopté en 2007), le projet de réforme a été entamé en 2018 et n’a pas abouti. Un nouveau projet largement refondu, piloté par URBAN, est actuellement soumis à l’enquête publique jusqu’au 20 janvier 2023. La nouvelle subdivision en trois titres semble reconnaître l’importance des espaces ouverts et l’articulation entre espaces ouverts, publics ou privés, et bâtiments. Malgré les avis et observations exprimés depuis le début de la réforme – notamment le manque d’ambition face aux enjeux sociaux et écologiques actuels, la multiplication des règles et l’absence de vision globale – je constate que le maintien et le développement de la biodiversité, la préservation des sols vivants et le l’importance de l’effectivité du droit au logement, notamment par le renforcement et le développement du logement social ou à caractère social n’apparaissent pas dans les trois objectifs majeurs formulés dans le projet d’arrêté régional.

Le projet reconnaît cependant en partie les plaidoyers des associations naturalistes, les études académiques et les vécus des habitant-es en intégrant certains enjeux écologiques dans la conception des espaces ouverts urbains et des bâtiments : réseau d’îlots de fraîcheur, sols de qualité et pleine terre, surfaces végétalisées et habitats pour la faune intégrés au bâti, gestion intégrée des eaux de pluie, zone d’aléa d’inondation, reconversion des constructions et matériaux existants, ..

La mention de ces éléments de langage écologique montre que les mouvements sociaux ont eu raison de faire (re)connaître par tous les moyens l’importance de la “nature en ville”, de l’eau dans toutes ses dimensions, des êtres vivants autres qu’humains et de la catastrophe climatique dont les premiers effets se font déjà durement sentir.

Le RRU doit cependant organiser le passage aux actes pour transformer ces intentions en réalités urbaines.

Le RRU proposé encourage à créer de la biodiversité … et permet de continuer à détruire des sols et des êtres vivants.

Malheureusement, le Règlement Régional d’Urbanisme proposé encourage la création de dispositifs censés favoriser la biodiversité mais n’impose pas le maintien de la biodiversité existante.

Comme le précise le RIE (p.569 et p.580), ce projet devrait entraîner une “intégration quasi systématique de la biodiversité dans les projets de la RBC”. Le principal instrument pour mesurer ce qui est appelé “contribution environnementale” d’un projet à la biodiversité est l’outil CBS+ (Coefficient de potentiel de Biodiversité par Surface). Cet outil permet de calculer un différentiel écologique entre deux types de surfaces artificialisées; cependant comme le précise le RIE (Rapport d’incidences environnementales – p.572) ce dispositif ne prend pas en compte les espèces et milieux présents sur la parcelle. De plus, comme l’ont montré les données mutualisées au sein d’Observations.be, une part des vivants échappe aux études d’incidences environnementales et à la perception d’acteurs non formés. En outre, le CBS+ est un indicateur calculé à partir d’agrégats statistiques. Calculé par l’administration, cet outil technicise la nature en la réduisant à des chiffres et opérations mathématiques hors de contrôle de la perception citoyenne et du contrôle démocratique et justiciable normal. Le CBS+ n’est donc pas adéquat pour protéger la biodiversité ni pour maintenir l’ensemble des fonctions assurées par un sol vivant (qui abritent la plus grande part de la biodiversité terrestre), ni pour redonner place à la nature en ville.

Il faut différencier d’une part l’amélioration du potentiel de biodiversité mesuré par un indicateur statistique sur un espace déjà artificialisé et d’autre part la préservation d’un espace naturel non-artificialisé comprenant un sol vivant qui héberge une biodiversité riche ou potentiellement riche. L’objectif de “création” de biodiversité et de sols de qualité ne peut se faire au détriment du maintien des sols vivants, des milieux naturels et des espèces vivantes, car la destruction de de ceux-ci ne peut pas être compensée par la construction de biotopes artificiels, fussent-ils artificiellement rapprochés par un indicateur statistique qui est arbitraire (le CBS+).

Je constate en outre que les sols vivants incluent ceux où se pratiquent l’agriculture ou l’horticulture (maraîchage, jardins familiaux et collectifs), pratiques qui à la fois répondent à des besoins sociaux et contribuent potentiellement à la biodiversité. Ainsi, adressant le problème critique à moyen terme de l’approvisionnement des villes en nourriture, la Région a-t-elle initié le programme “GoodFood” qui devrait permettre de produire une alimentation de qualité locale grâce à l’agriculture urbaine. Ce programme suppose la présence suffisante de sols vivants et de biodiversité.

Finalement, j’estime que l’approche technique et statistique de la biodiversité par le CBS+ s’inscrit pleinement dans l’approche qui se trouve à l’origine du déclin de la biodiversité. C’est en effet en assimilant la nature à une ressource mesurable que les espèces non-humaines vivantes, dont la complexité de chacune excède pourtant largement la compréhension humaine, ont pu être privées de leurs valeurs intrinsèques, réduites à des objets quantifiables, et finalement détruites pour satisfaire la logique économique. C’est cette même logique qui préside à l’existence d’un outil comme le CBS+ lequel donne l’illusion chiffrée de pouvoir établir une équivalence entre des biotopes rapportés à des surfaces, en fonction de la quantité présente de certains ensembles d’individus non-humains, quantités et individus étant sélectionnés selon des principes arbitraires. Mais cette illusion n’est pas la réalité, et le CBS+ n’est pas la nature vivante.

Si l’indice CBS+ peut avoir quelque utilité dans certains cas, notamment pour réaliser des comparaisons entre certaines surfaces artificialisées, il convient premièrement d’en souligner les limitations intrinsèques pour ne pas utiliser l’outil à mauvais escient.

De même, les objectifs en termes de maillage vert ou bleu sont imprécis.

Je note ainsi que si le projet de RRU se donne des objectifs louables, par exemple en termes de gestion des eaux pluviales, il ne se donne aucun outil permettant comment atteindre ces objectifs (pourtant de tels outils ont été développés en RBC : QUADEAU, AQUATOPIA…)

D’ailleurs, l’étude « Open Brussels » commanditée par Perspective Brussels, étude qui prône de manière forte la mise en valeur et la création des maillages verts et bleus, invite à aller plus loin.

Le PRAS devrait permettre a priori de préciser ces objectifs, mais l’absence de renvoi du RRU au PRAS pose problème.

Je m’étonne que le RRU ne prenne pas en compte divers outils développés par l’administration de la RBC, notamment l’atlas des cartes réalisé par Bruxelles Environnement, dont la carte d’évaluation biologique, ou encore l’atlas du sous-sol archéologique.

Quand bien même ils ne sont pas, à ce jour, contraignants/réglementaires, ces outils me semblent de nature à favoriser la préservation de l’existant voire un développement qui valorise l’existant.

Le RRU proposé ne pense pas une ville pour toustes les habitant.es.

Comme cela a été souligné à plusieurs reprises notamment par le Tuiniersforum des Jardiniers, les questions environnementales et les questions sociales doivent être pensées ensemble pour ne pas créer de concurrence entre les communautés et populations faibles.

L’absence de mention du logement social dans ce nouveau RRU – au contraire du logement étudiant et des cohabitations organisées par des investisseurs – et l’augmentation prévisible des coûts liés aux nouveaux objectifs qualitatifs d’ailleurs mentionnée explicitement dans le RIE (p.578) va aggraver les tensions foncières et sociales, pousser à l’exode urbain, à l’étalement, et à la concentration ultérieure dans des espaces exigus de ceux qui ne seront pas en mesure de faire face à l’augmentation subséquente des coûts du logement. Ce projet de RRU porte en lui-même la radicalisation de la dualisation sociale de Bruxelles, ce qui ne peut pas être un objectif.

Des objectifs chiffrés de proportion de logement social et à caractère social dans Bruxelles et par projet sont indispensables. L’objectif doit être de faire du RRU un outil puissant pour mettre un terme rapidement à la crise du logement.

L’absence de prise en compte effective de la question écologique et plus encore de la question sociale découle sans aucun doute de la composition de la commission d’experts Good Living composée uniquement d’architectes, à l’exception d’un ingénieur commercial représentant le secteur de la promotion immobilière et d’une ingénieure industrielle représentant le département d’urbanisme de la Ville de Bruxelles. Vu la complexité des enjeux et l’importance de l’inclusion citoyenne dans le processus démocratique, il eut fallu que l’organe chargé de la préparation de ce projet soit en mesure de rendre compte de cette complexité et comprenne au moins:

  • des experts aux profils variés non orientés exclusivement par et vers le secteur de la construction, notamment spécialistes des sciences humaines et des sciences de la vie et de la terre,
  • une représentation citoyenne, notamment des acteurs du logement d’urgence et temporaire et des acteurs naturalistes,
  • des associations actives dans les secteurs de l’inclusion, la défense de droits sociaux et fondamentaux, de l’environnement et du patrimoine.

Le caractère unidisciplinaire de la commission d’experts constitue un biais introductif aussi majeur que rédhibitoire à toute prétention représentative de ce texte supposé concerner l’ensemble de la population et de la ville.

Le RRU proposé fixe des objectifs ambitieux et coûteux … mais sans moyens précis.

L’économie générale du projet de cette réforme est formulée en page 22 du RIE : « un RRU plus orienté sur la qualité d’un projet, en définissant des objectifs à atteindre, plutôt que sur des moyens précis à mettre en œuvre ou des seuils minimum et maximum à respecter. »

Le RRU actuel impose pour atteindre les objectifs des moyens précis et des seuils minimum et maximum à respecter, avec un système de dérogations. Le RRU proposé à l’enquête publique indique des objectifs généraux à atteindre, notamment environnementaux ce qui est nouveau, mais avec des moyens flous voire pas définis, de rares seuils contraignants pour la plupart lacunaires, et la promesse de réaliser une évaluation projet par projet.

Les crises environnementales et sociales appellent justement des obligations contraignantes et non des objectifs dont le respect est soumis à l’appréciation de l’administration.

Pour qu’elles soient effectives, les obligations environnementales et sociales doivent au contraire être assorties de moyens précis et de seuils minimum et maximum, les dérogations doivent être entendues de manière limitative, exceptionnelle et strictement contrôlées.

La préservation des espaces ouverts et de la pleine terre implique des mesures contraignantes de protection des sols vivants, de limiter drastiquement l’emprise des constructions sur les terrains non-bâtis plutôt que de densifier les intérieurs d’îlots et les friches non-bâties.

L’habitabilité de l’espace urbain doit comprendre son accessibilité socio-économique en prévoyant des seuils minimums de logements sociaux pour tous les investissements immobiliers.

Décarboner le milieu urbain passe par privilégier fortement la rénovation à la reconstruction mais également par le maintien des sols non-bâtis et des arbres existants et par une la création d’une plus grande flexibilité dans les réaffectations.

Prévenir les risques d’inondations n’implique pas seulement de prévoir des aménagements dans les constructions situées en zones d’aléa mais de ne plus y construire pour ne pas endommager ultérieurement le maillage bleu et éviter d’y loger de futures victimes.

Le RRU proposé crée un flou juridique … et risque d’aggraver les tensions urbaines.

Même s’il intègre pour la première fois des objectifs écologiques en mentionnant explicitement la biodiversité, les formulations adoptées conditionnent finalement les objectifs à la conjoncture socio-économique, et prévoient une forte dimension discrétionnaire pour des administrations qui au demeurant manquent déjà cruellement de moyens humains.

Ce principe d’inspiration néo-libérale, la déréglementation, produit des effets d’un point de vue économique mais échoue systématiquement à atteindre des objectifs sociaux et environnementaux.

Cette approche est en outre de nature à engendrer une insécurité juridique majeure pour tous les acteurs, l’absence de moyens et de seuils déterminés créant un flou quant aux attentes de l’autorité réglementaire et à la manière dont il interprétera les projets, compte-tenu par ailleurs du manque de moyens. Le risque est grand que seuls les acteurs habitués à traiter contractuellement avec les autorités publiques soient en mesure de formuler des projets dont la qualité sera estimée satisfaisante. Le concept d’ “architecture de qualité” comme principe d’évaluation risque donc de favoriser les investisseurs immobiliers, d’impacter les propriétaires occupants et de suspendre de facto les autres objectifs annoncés. Les locataires devront certainement payer les coûts supplémentaires de cette qualité dont les critères d’évaluation ne sont pas prévus.

Le principe de l’évaluation des projets par l’administration, qui vaudrait justification, soulève donc des problèmes majeurs, dont ceux de la pertinence, de la cohérence, du contrôle et de l’opposabilité.

La voie proposée par le happy few du comité d’expert consiste à transférer la responsabilité de fixer les modalités de faire ville du Parlement vers une administration (URBAN) dont la direction est nommée et contrôlée par les gouvernements successifs. Autrement dit, le happy few architectural propose de réduire la fonction du Parlement censé représenter les citoyens et soumis à leur contrôle, à accepter un cadre flou dont toute la mise en œuvre sera ensuite réalisée par une administration contrôlée par les partis politiques.

Cela ne peut pas être accepté.

Le RRU refondu doit pleinement garantir et renforcer le droit des citoyens à pouvoir s’opposer à une décision urbanistique et ses motivations devant le Conseil d’État et les tribunaux, et non affaiblir ce droit comme le prévoit ce projet.

En conclusion, je constate que le règlement proposé dessine une ville :

  • dont l’environnement physique bâti sera plus agréable pour ceux qui pourront y avoir accès,
  • plus chère et donc plus excluante encore socialement qu’elle ne l’est déjà à ce jour,
  • dans laquelle la biodiversité et les sols vivants continuent d’être détruits et la construction continue d’être un contributeur majeur au changement climatique,
  • la crise du logement continue de s’aggraver, approfondissant d’une part l’exclusion sociale et d’autre part la pression sur les espaces naturels existants.

Une nouvelle méthode de travail est nécessaire

Le projet de RRU n’est pas acceptable en l’état.

Le travail de réflexion doit être rouvert par un panel d’expert-es multidisciplinaires comprenant des acteurs académiques (sociologues, anthropologues…) des citoyen-nes et des acteurs de la société civile, le projet refondu et à nouveau soumis à l’enquête publique, hors période de vacances et de fête, pour une durée d’au minimum six mois.

En attendant l’adoption d’une nouvelle législation urbanistique régionale (RRU et PRAS), j’ai l’honneur de demander au gouvernement d’adopter des mesures conservatoires pour protéger les intérêts des communautés et populations d’êtres vivants sur le territoire bruxellois, et à URBAN de plaider inconditionnellement en ce sens.

Je vous prie de joindre cette lettre de réclamation au dossier.

Meilleures salutations,

Compléter:

Date et Signature.

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