Communiqué de presse et analyse du Tuiniersforum des jardiniers – 08/12/2022
Deux villages de préfabriqués destinés à accueillir les réfugiés ukrainiens sortent actuellement de terre à l’avenue des Tritomas à Watermael-Boitsfort et sur la friche du Paruck à Molenbeek. Le premier n’a rien du village promis par les autorités régionales. Les travaux entamés pour le deuxième portent atteinte à la biodiversité présente sur cet espace vert de fait. Le Tuiniersforum des jardiniers demande à la Région de revoir sa copie en matière d’accueil pour qu’il respecte la dignité humaine, le processus démocratique et les responsabilités qui lui incombent en matière environnementale. Il propose qu’il soit mis fin aux autres projets de ce type, que les alternatives proposées soient étudiées et que les moyens affectés à l’installation de ces « villages » soient réalloués à l’engagement de personnel d’accueil.
Pour accueillir les réfugiés ukrainiens, le gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale a mis en place un vaste dispositif d’accueil et une “stratégie d’intégration des ukrainiens dans le tissu bruxellois” destiné à accueillir 20.000 personnes, qui comprend l’installation d’habitats modulaires sur des sols non minéralisés. Neuf mois après le début de la crise, il est, selon le TFJ, « urgent de revoir ce dispositif qui ne correspond pas à la réalité du problème, mais qui montre aussi toutes ses limites en termes de dignité humaine, de respect du processus démocratique et des obligations environnementales ».
Au niveau des chiffres, tout d’abord, la Belgique a délivré quelque 60.000 attestations de protection temporaire depuis le début de la crise. 70% des personnes concernées n’avaient pas besoin de logement d’urgence, étant accueillies par de la famille ou des connaissances. Pour les autres, il s’agit à plus de 80% de familles, pour lesquelles les containers ne sont pas adéquats. De l’aveu même de la secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, Nicole de Moor, et de Fedasil, le plus grand problème n’est pas le manque d’infrastructure mais bien le manque de personnel d’accueil et d’accompagnement.
Quant aux containers, en fait de « préfabriqués de qualité constituant des unités collectives de vie en vue d’une intégration adéquate dans le tissu urbain », nous devons constater avec le premier « village » aux Tritomas qu’une fois de plus, la réalité ne correspond pas au discours.
« Si l’urgence peut justifier une architecture simple et un montage rapide », estime le TFJ, « elle ne justifie pas l’installation de personnes fragilisées dans ce qui ressemble à un enchevêtrement de baraques de chantier, a fortiori lorsqu’elles ont fui la guerre et que leur besoin d’intimité et de sécurité est incontestable. »
Le bilan est tout aussi controversé au niveau environnemental. Le gouvernement avait annoncé que les “préfabriqués” auraient un impact nul sur la biodiversité, un impact mineur et réversible sur les sols et un empattement réduit. L’installation sur le site Tritomas montre que ce n’est clairement pas le cas. Le choix de la friche du Paruck à Molenbeek, dont la biodiversité est importante à très haute selon la carte d’évaluation biologique et où la présence de l’avifaune est bien documentée[1], zone écologique communale inscrite dans le Réseau Nature[2], confirme le peu d’égard du gouvernement face à ses responsabilités environnementales.
« Il est particulièrement étonnant que les autres localisations retenues pour l’installation des containers soient des terrains défendus par des collectifs de sauvegarde des sols naturels et de la biodiversité à Bruxelles », note le TFJ, à savoir le Champ des Cailles, le Meylemeersch, et la friche Josaphat, deux autres sites n’étant pas encore connus. « Chacun est libre d’interpréter cette sélection comme il l’entend… Nous ne pouvons dans tous les cas pas cautionner l’instrumentalisation d’une crise humaine en vue d’avancer sur des projets urbanistiques d’un autre temps, qui ne répondent pas aux enjeux sociaux et environnementaux sans précédent auxquels nous faisons face. Il n’y a pas de social possible sur une terre dévastée. »
Le Forum attire enfin l’attention sur les libertés prises au niveau réglementaire et démocratique. « L’arrêté bruxellois relatif aux dispositions temporaires pour l’accueil des réfugiés est contesté par le Conseil d’Etat lui-même. Les communes et citoyens sont mis devant le fait accompli, les délais réglementaires ne sont pas respectés et les entourloupettes pour se passer de permis d’urbanisme ou d’enquête publique sont nombreuses… Que le gouvernement bruxellois développe d’importants efforts pour donner, dans l’urgence, une réponse acceptable à l’accueil des réfugiés est louable mais qu’à cette occasion il cautionne une procédure antidémocratique et il méprise les citoyens sur lesquels il compte par ailleurs pour l’accueil de ces réfugiés est pour le moins incohérent ».
Conscient de la situation complexe à laquelle le gouvernement doit faire face pour accueillir les réfugiés, et désirant contribuer à identifier une solution qui soit de nature à renforcer l’accueil tout en prenant en compte les crises elles aussi extrêmement urgentes de la biodiversité et du climat, le TFJ a rencontré le cabinet du Ministre président pour lui proposer une liste de localisations alternatives. Aucune réponse ne semble avoir été donnée à ses propositions, alors que certaines sont directement praticables.
Le TFJ demande donc au gouvernement de cesser l’installation des containers, de réaffecter les moyens prévus à l’engagement externe de personnel d’accueil et d’étudier les alternatives proposées, afin que l’accueil des réfugiés ukrainiens et du monde entier soit digne des personnes et cesse de bafouer nos engagements tant en matière d’accueil qu’en matière environnementale. Face au constat du lien de plus en plus critique entre flux migratoires et crises environnementales, il rappelle enfin l’urgence d’envisager des solutions cohérentes et de cesser de rejouer la pièce « Social contre Nature ».
Découvrez l’analyse du Tuiniersforum des jardiniers dans la document .pdf ci-joint:
20221208-com-presse-TFJ-prefabriques-corr-misenpageLe Tuiniersforum des jardiniers fédère de nombreux collectifs citoyens qui défendent les derniers espaces naturels à Bruxelles. Crée le 17 avril 2016 à Haren à l’occasion de la “Journée internationale des luttes paysannes”, le TFJ défendait prioritairement les derniers potagers, puis a progressivement élargi son objet social pour prendre soin de tous les espaces naturels et les sols vivants de la Région bruxelloise. Le 18 juillet 2022, le TFJ a publié une demande de moratoire sur la destruction des espaces naturels, signée à ce jour par 54 collectifs citoyens et associations. Le Tuiniersforum des jardiniers est une organisation citoyenne bénévole, complètement indépendante financièrement et politiquement.Plus d’informations sur www.tuiniersforumdesjardiniers.be
[1] Commune de Molenbeek-Saint-Jean, L’avifaune sauvage de Molenbeek-Saint-Jean, Rapport 2011 réalisé avec le soutien de Aves, https://docplayer.fr/29643459-L-avifaune-sauvage-de-molenbeek-saint-jean.html
Voir pour les observation plus récentes : https://observations.be/locations/124551/
[2] http://www.culture1080cultuur.be/fr/agenda/Devine_qui_papillonne____au_Paruck/1274/
Photos: containers gouvernementaux à Tritomas, octobre/novembre 2022.


