Des containers sur le champ des Cailles : le GIEC sonne l’alerte, le gouvernement bruxellois jette de l’huile sur le feu

24 mars 2023 – Communiqué de presse du Tuiniersforum des Jardiniers

Résumé : Le gouvernement s’apprête à terrasser une partie du champ des Cailles pour installer des containers destinés aux réfugiés ukrainiens. Il y a pourtant de meilleures alternatives. Le gouvernement s’est exonéré lui-même des principales obligations urbanistiques normales. Il prépare la construction de 70 logements sur le Champ qu’il rêve de présenter comme alibi à son inaction face à la crise du logement. Il fait exactement l’inverse de ce que préconise le GIEC dans son rapport le plus alarmant jamais publié : l’adaptation communautaire et l’agriculture urbaine sont des solutions pour limiter les effets du dérèglement climatique et limiter les catastrophes. Le PS confirme à ce stade sa volonté d’aggraver la situation sur tous les plans. Comme dans le dossier de la friche Josaphat, à ce stade Ecolo ne s’oppose pas à l’attaque du champ des Cailles. Le gouvernement doit revenir à la raison, renoncer à affaiblir les solutions sociales et climatiques, et les soutenir massivement. Attaquer le champ des Cailles serait totalement inacceptable et combattu de manière particulièrement âpre.

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Le gouvernement s’apprête à attaquer le champ des cailles

Ce mardi, les représentants de la SLRB ont indiqué aux acteurs de la ferme du champ des cailles que les travaux d’installation des containers pour les réfugiés ukrainiens allaient débuter. Annoncés depuis de nombreux mois, ces containers devraient être installés sur le champ, le long de l’avenue des cailles derrière la rangée d’arbres. Contrairement à ce qui avait toujours été annoncé mais que les citoyens savaient être faux, l’impact sur le site serait déterminant et irréversible. Vu la déclivité du champ, les architectes ont précisé que le terrain devrait être terrassé, que 300 m³ de terre devraient être évacués et que des fondations devraient être posées.

Le site faisant partie de la zone classée des cités-jardins du « Logis Floréal »1, la SLRB a demandé un permis d’urbanisme pour installer ces containers, qu’Urban lui a délivré le 17 février 2023.

Leurs fausses solutions, nos vrais problèmes

Le permis repose notamment sur un arrêté du gouvernement daté du 1er juin 2022 par lequel ce dernier se donne à lui-même le droit de contourner ses obligations urbanistiques afin d’accueillir en urgence les réfugiés ukrainiens qui disposent de la protection temporaire décidée par l’Union européenne.2 Le Tuiniersforum des jardiniers (TFJ) a souligné le caractère hautement problématique de cet arrêté, grâce auquel le gouvernement bruxellois rejoue une fois de plus la mauvaise pièce « social contre nature ».3

Le TFJ est favorable à l’accueil de tous les réfugiés, ukrainiens et de toutes autres nationalités, de manière digne et diligente. Il n’est cependant pas acceptable d’instrumentaliser une crise pour poursuivre des projets urbanistiques déconnectés de la réalité sociale des habitants et des enjeux environnementaux sans précédent auxquels nous faisons face. La crise des réfugiés ne peut pas être solutionnée en aggravant la crise écologique.

Il est consternant que le gouvernement se soit accordé cette sorte de dérogation générale qui lui permet d’installer des containers y compris sur des sites de haute valeur biologique comme à la friche Paruck à Molenbeek, alors que de nombreuses localisations alternatives sont possibles. Pour le site des cailles, d’autres localisations existent, sont identifiées, et ont été indiquées aux autorités, y compris dans le parc immobilier dont le Logis Floréal est propriétaire.

L’attitude du gouvernement est donc particulièrement problématique, et témoigne de son mépris structurel de la destruction de l’équilibre climatique et de l’extinction de masse de la biodiversité, tout comme de leurs conséquences sociales gravissimes.

L’indigne installation des réfugiés ukrainiens dans des containers pour détruire la nature plus vite

Si le gouvernement avait voulu prendre au sérieux cette problématique dont le GIEC vient de rappeler qu’elle est urgente et vitale, son arrêté gouvernemental aurait dû être dirigé vers le stock de bâti vide disponible pour en faciliter la réquisition temporaire.

Il disposait de la latitude nécessaire pour réquisitionner certains sites déjà artificialisés et des logements vides appartenant à des propriétaires privés et publics, mais a préféré s’auto-accorder une dérogation pour détruire la nature, réaliser des travaux plus coûteux pour la collectivité et accueillir les réfugiés dans de moins bonnes conditions.

Malgré ses dénégations et cris d’orfraie, il tombe sous le sens que l’objectif réel du gouvernement est de préparer l’urbanisation irréversible de ces sites, en en détruisant le caractère naturel et la biodiversité qui s’y trouve, et en habituant les riverains à la perte de ces espaces régénérants et vitaux pour la résilience de Bruxelles.

Ainsi pour le site des cailles, le projet de construction de 70 logements localisé à l’endroit où sont prévus les containers est intégralement maintenu et confirmé par les commanditaires que sont la SLRB et son opérateur le Logis Floréal. Le hasard fait bien les choses, surtout lorsqu’il s’agit de projets d’urbanisation du Parti Socialiste qui est à la tête de la SLRB qui demande le permis d’urbanisme, d’Urban qui le délivre, et du gouvernement qui crée les conditions pour contourner le processus démocratique normal.

Dans ce dossier, la position du PS est très claire et consiste à aggraver le changement climatique, réduire la biodiversité, affaiblir très fortement le projet exemplaire d’inclusion sociale réussie par la production agricole urbaine, et utiliser les 70 logements construits avec l’argent public pour se constituer une vitrine électorale sans jamais s’attaquer aux véritables causes de la crise du logement social.

Cette posture rétrograde est inacceptable qui sera combattue vivement.

Après la friche Josaphat, Ecolo doit clarifier sa position avant le début de la destruction du champ des cailles

La position d’Ecolo est très peu claire. Suite à la mobilisation citoyenne forte, organisée par l’association des « ami-e-s du champ des cailles » qui soutient à la fois le projet et le maintien intégral du champ, le bourgmestre de Boitsfort Olivier Deleuze a largement communiqué publiquement son opposition à la construction sur le site.

Il a par contre toujours affirmé que la commune doit se montrer accueillante pour les ukrainiens, ce qui justifie selon-lui l’installation de containers par le biais d’un dispositif légal contournant les obligations urbanistiques habituelles, mais pas la réquisition des bâtiments vides ou des terrains déjà artificialisés.

Des containers sont déjà installés Rue des Tritomas, et le bourgmestre a jusqu’ici marqué son accord pour l’attaque du champ des Cailles, au motif que cela serait temporaire (2 années maximum), et totalement réversible. Vu l’excavation prévue de 300m³ de sols vivants et la pose de fondation, il est exclu que cette installation soit réversible : le site sera définitivement modifié et altéré. Quand au caractère temporaire de 2 ans, il n’aura échappé à aucun perdreau de l’année que cette durée mène au-delà des prochaines échéances électorales. Moment auquel la commune se sera dotée d’un nouveau bourgmestre et d’une nouvelle majorité.

Olivier Deleuze étant nécessairement dans l’incapacité de garantir que cette nouvelle majorité, inconnue à ce jour, s’opposera au projet de construction des 70 logement sur le champ des Cailles, son accord pour les containers sur le même site est un aveu limpide. Il s’agit de préparer le terrain.

Alain Maron interviewé par BX1 le 10 mars 2023 confirmait d’ailleurs qu’Ecolo ne s’oppose pas à ce stade à l’attaque – vu la surface prévue, il ne s’agit pas ici de grignotage mais d’attaque – du champ des Cailles par le bétonnage. 4

Entre l’accord du bourgmestre Olivier Deleuze pour l’installation des containers au même endroit que sont prévu des constructions auxquelles le ministre Alain Maron ne s’oppose pas et que la SLRB et le Logis Floréal confirment, la position réelle du parti Ecolo apparaît. Les déclarations de bon aloi ne trompent pas : à ce stade, Ecolo est favorable au mégagrignotage du champ des cailles.

Les déclaration du bourgmestre sont frappées au coin de la malhonnêteté, et les récentes avancées du ministre sur un « PRAS climatique » doivent être confirmées et renforcées d’urgence à moins de perdre leur crédibilité.

Le GIEC publie un manuel de survie pour l’humanité : le gouvernement ne peut pas s’asseoir dessus

Ce lundi, le GIEC expliquait au monde que le dérèglement climatique est plus grave et aigu que prévu, que ses effets sont plus violents que ce que prédisaient les modèles, et que la survie même de l’humanité est en jeu. Dans son rapport de synthèse, le GIEC établit notamment que : C.3.5. « Les options d’adaptation efficaces comprennent l’amélioration des cultivars, l’agroforesterie, l’adaptation communautaire, la diversification des exploitations et des paysages et l‘agriculture urbaine. » 5

Il est temps de prendre en considération les recommandations du GIEC: en l’occurrence arrêter de détruire les espaces naturels en ville, favoriser l’agriculture urbaine, soutenir l’adaptation des communautés locales. Toutes choses qui sont faites de manière particulièrement exemplaire au champ des Cailles et que le gouvernement doit protéger intégralement et soutenir activement.

Dans le même temps, il est urgent de s’attaquer enfin à la crise du logement : il s’agit de réguler le marché de l’immobilier, et non de le déréguler davantage. Ce dont nous avons besoin pour faire face à la crise du logement et à l’enchaînement de crises toujours plus graves générées par la destruction de l’équilibre climatique, c’est de moins de spéculation immobilière et de plus de nature.

Pas de plus de marché et de moins de nature.

Le gouvernement doit montrer qu’il emprunte cette voie vertueuse au champ des Cailles.

Attaquer ce pan de nature et cette initiative citoyenne qui s’inscrivent pleinement au rang des solutions d’adaptation au dérèglement climatique identifiées par le GIEC serait totalement inacceptable et combattu de manière particulièrement âpre.

Contact : Tuiniersforumdesjardiniers@Tutanota.com

Le Tuiniersforum des jardiniers fédère de nombreux collectifs citoyens qui défendent les derniers espaces naturels à Bruxelles. Crée le 17 avril 2016 à Haren à l’occasion de la « Journée internationale des luttes paysannes », le TFJ défendait prioritairement les derniers potagers, puis a progressivement élargi son objet social pour prendre soin de tous les espaces naturels et les sols vivants de la Région bruxelloise. Le 18 juillet 2022, le TFJ a publié une demande de moratoire sur la destruction des espaces naturels, signée à ce jour par 63 collectifs citoyens et associations. Le Tuiniersforum des jardiniers est une organisation citoyenne bénévole, complètement indépendante financièrement et politiquement.

Crédit illustration: Le Logis-Floréal

1 Par arrêté du gouvernement bruxellois du 20 mars 2001.

2https://cloud.urban.brussels/s/XzAT5QWjRKqwcq3

3https://www.tuiniersforumdesjardiniers.be/2022/12/09/containers-pour-les-refugies-le-gouvernement-rejoue-la-piece-social-contre-nature/

4https://bx1.be/radio-chronique/linterview-alain-maron/ à partir de 7 min 28 sec

5« Effective adaptation options include cultivar improvements, agroforestry, community-based adaptation, farm and landscape diversification, and urban agriculture. » https://report.ipcc.ch/ar6syr/pdf/IPCC_AR6_SYR_SPM.pdf

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